De Nouria YAHI BOGGIO, ancienne directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité de la région Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine et bénévole Licra Bas-Rhin
Si la pandémie de la Covid -19 affecte tous les segments de la population, tous les secteurs de l’économie, dans tous les pays, ses répercussions exacerbent durement les inégalités femmes-hommes et mettent en péril les droits des femmes.
La crise épidémique que nous vivons a déclenché de fortes tensions à la fois politiques, économiques et spirituelles.
Elle révèle par ailleurs des violences de vie comme la pauvreté, l’exclusion, l’isolement…
A terme, les femmes, les jeunes et certaines catégories de personnes retraitées seront touchés de manière disproportionnée.
Mais d’emblée, certaines inégalités explosent et rendent les femmes de plus en plus vulnérables !
L’ONU Femmes, dans un rapport de septembre dernier intitulé From Insights to Action: Gender Equality in the Wake of COVID-19, alerte que la crise de la Covid-19 va considérablement augmenter le taux de pauvreté des femmes et creuser l’écart entre les hommes et les femmes vivant dans la pauvreté. La pandémie plongera 47 millions de femmes et de filles supplémentaires sous le seuil de pauvreté, soit une augmentation de presque 10% du taux de pauvreté des femmes. Cela pourrait compromettre des progrès réalisés au cours des trois dernières décennies par exemple en terme d’égalité professionnelle, de parité et des droits sociaux, sexuels et reproductifs…
La France n’est pas épargnée : Les femmes sont aujourd’hui en France déjà les plus touchées par les risques de précarité économique :
– 70% des temps partiels,
– 62% des emplois non qualifiés,
– salaires inférieurs de 25%,
Elles représentent 67% des travailleurs pauvres.
Cette précarité est particulièrement vécue par les mères de famille monoparentales ; plus d’un quart vit sous le seuil de pauvreté, soit un million de femmes.
La pauvreté est une accumulation de discriminations. Elle fait basculer dans l’insécurité.
Source d’isolement social, elle peut alors favoriser certains facteurs aggravant l’augmentation des violences familiales et intrafamiliales dont les victimes sont majoritairement les femmes et les enfants.
Cette période de tensions sanitaires et économiques souligne, sous une forme plus aiguë, des inégalités qui existaient, dont l’une des principales est l’inégalité de genre. Elle met en lumière le fléau des violences sexistes et sexuelles.
Toutefois, l’épidémie sanitaire comme la pauvreté ne sont pas seules responsables de la mise à mal des valeurs qui sauvegardent les libertés, à savoir le respect de la dignité humaine, la non-discrimination, la tolérance et essentiellement les droits fondamentaux comme ceux des droits des femmes.
Les violations des droits fondamentaux persistent dans de nombreux pays et témoignent de l’inquiétant recul des droits des femmes.
Dans certains pays, à la faveur de contextes politiques de plus en plus conservateurs, des lois perpétuent la soumission et l’exclusion des femmes et des jeunes filles. Dans d’autres, c’est le viol qui se répand comme une arme de guerre utilisée en toute impunité. Et bien qu’interdites par le droit international, les mutilations sexuelles féminines se pratiquent encore dans des dizaines de pays !
Les violences subies par les femmes constituent l’une des violations des droits humains les plus répandues dans le monde.
-130 millions de femmes ont subi une mutilation génitale.
-Chaque année, 2 millions de femmes et fillettes viennent grossir les rangs des 130 millions de femmes ayant subi des mutilations génitales !
En France en moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui, au cours d’une année, sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint, est estimé à 213 000 femmes.
À la maison ou dans la rue, en temps de guerre ou de paix, des femmes du monde entier continuent à subir des discriminations. Elles sont victimes de violences, d’abus, d’atrocités ou d’interprétations abusives de règles religieuses ou coutumières.
Parce que les droits des femmes ne sauraient souffrir d’aucune forme de relativisme culturel, quel qu’en soit le prétexte, Boutros Ghali quand il était secrétaire général de l’ONU dénommait « les droits des femmes comme socle commun de l’Humanité, l’irréductible humain, ce qui n’est pas négociable. »
Heureusement que de nombreuses femmes avec des visions fortes du monde et de l’humanité construisent jour après jour des remparts contre la pauvreté, les violences, et la haine.
Elles sont de plus en plus nombreuses de par le monde à faire entendre la voix de la paix contre celle de l’épée. Elles s’opposent aux mutismes forcés de la victime et du témoin impuissant !
Les droits des femmes n’ont pas été octroyés par tel ou tel pouvoir politique quel qu’il soit, ils résultent des combats menés par des militantes féministes. Ces luttes ont pu se construire car les femmes n’ont pas démarré de rien : l’histoire est jalonnée de formes de résistance de femmes refusant d’être infériorisées. Ces résistances ne se sont pas posées comme des revendications construites, mais simplement comme une volonté d’exister pleinement, voire de pouvoir exercer certains talents.
Parce que nulle part les droits des femmes ne sont définitivement acquis, de la rue aux réseaux sociaux, le féminisme poursuit son combat contre un problème systémique : le sexisme.
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ». Simone De Beauvoir