Lancé récemment par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, le site stop-discrimination.gouv.fr vise à informer les victimes de leurs droits. En quelques clics, l’internaute peut lire un rappel à l’ordre, écrit en gras: “L’auteur d’une discrimination encourt trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.” Un positionnement plébiscité par Olivia Mons, chargée de communication de l’Inavem, qui fédère les 135 associations professionnelles d’aide aux victimes référencées sur la plateforme : “La discrimination est vue comme un phénomène sociétal mais il faut rappeler que c’est une infraction pénale.”
Car qui dit infraction pénale dit punie par la loi, mais encore faut-il la connaître. “Il y a une grande méconnaissance du droit par les particuliers, estime Faouzia Sahraoui, directrice générale de SOS Aide aux habitants, qui participe au dispositif. Il faut également mener un travail de sensibilisation auprès des professionnels. Nous allons bientôt tenir un colloque sur la discrimination au travail à destination des magistrats et des avocats.”
En plus des conseils juridiques, SOS Aide aux habitants propose un soutien psychologique individuel, tout comme l’association Viaduq 67. Tahar Khmila, juriste pour cette dernière, admet que ces formes d’aides ne sont parfois pas suffisantes : “Malheureusement, nous n’avons pas de groupe de parole. Parfois, les victimes ont besoin de rencontrer d’autres personnes ayant traversé les mêmes épreuves.”
Les discriminations: un véritable problème de santé publique
Malgré tout le soutien apporté, les associations sont unanimes : les victimes vont rarement jusqu’à porter plainte. Il est très difficile de constituer un dossier afin de prouver une discrimination. “Je dois souvent m’appuyer sur très peu d’éléments” décrit Tahar Khmila, dont le rôle consiste à “déterminer si ces éléments sont constitutifs d’une discrimination, du point de vue du droit.” Il faut pouvoir démontrer un traitement défavorable, dans un domaine spécifié par la loi, comme l’emploi ou l’accès au logement et en raison de l’un des 20 critères discriminatoires (orientation sexuelle, appartenance à une ethnie, religion, etc.)
La durée des procédures, au pénal comme au civil, peut aussi refroidir les victimes. “Les discriminations sont un véritable problème de santé publique, défend Faouzia Sahraoui, psychologue clinicienne. Nous sensibilisons aussi les médecins qui peuvent délivrer des attestations pour constater des symptômes survenus à la suite d’un fait et ainsi appuyer les dossiers des victimes.” Tahar Khmila fait le même constat : il reçoit souvent des personnes qui ont parfois perdu leur emploi ou qui rencontrent des problèmes médicaux après avoir subi de grandes souffrances.
Collaborer sur le terrain
Certaines situations sont plus complexes que d’autres. Faouzia Sahraoui confirme que le lien de confiance peut être difficile à établir dans certains cas: “Les personnes reçues n’osent pas forcément dire qu’elles sont homosexuelles et préfèrent avancer d’autres motifs d’entretien.”
Un phénomène qui n’étonne pas Omar Didi, membre du conseil administratif du centre LGBTI de Strasbourg et qui défend les victimes de discriminations en raison de leur orientation sexuelle et dont l’association n’a pas été sollicitée. “Les personnes qui viennent nous voir recherchent le contact avec d’autres personnes qui comprennent et vivent les discriminations, le tout dans un cadre sûr”, rappelle le jeune administrateur.
D’autres structures, bien connues du grand public et qui proposent aussi un soutien juridique, telles que SOS Homophobie ou la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), ne sont pas répertoriées. « Le plus important n’est pas de figurer sur le site à tout prix, les associations ne doivent pas rentrer dans une logique de concurrence, commente Gilles Winckler, président de la Licra de Strasbourg. Ces deux dernières semaines, nous avons orienté deux personnes vers Viaduq 67. Nous échangeons régulièrement avec les partenaires et les associations amies. Nous sommes intervenus l’année dernière afin d’aider un adhérent de La Station qui se sentait discriminé par une administration. L’essentiel, c’est de favoriser la communication et la collaboration entre les différents acteurs présents sur le terrain. »